ÉCOLOGIE BACTERIENNE DE LA PEAU

Jean FRENEY

Laboratoire Central de Microbiologie, Hôpital Édouard Herriot, Lyon

Flore microbienne de la peau de l’adulte

La surface cutanée au contact du milieu extérieur n’est pas stérile : elle est le siège d’un écosystème microbien riche et varié qui joue un rôle essentiel dans l’équilibre de l’organisme. Les micro-organismes se sont adaptés à cet écosystème cutané parce qu’ils trouvent sur la peau les nutriments nécessaires à leur développement, que ceux-ci soient apportés par la sueur, le sébum ou les débris cellulaires.

La flore bactérienne résidente est constituée d’espèces qui sont implantées de façon prolongée voire permanente sur la peau ; la flore transitaire comporte des espèces qui font un bref séjour cutané et qui proviennent soit de l’environnement extérieur, soit du tube digestif. Le caractère instable de la flore transitaire est à l’origine de la transmission de bactéries pathogènes, cas notamment de l’infection croisée manuportée à l’hôpital responsable d’infections nosocomiales.

Au total, la flore cutanée résidente est essentiellement formée par des bactéries et champignons adaptés aux conditions écologiques qui dominent sur l’épiderme ; on y trouve surtout des bactéries à Gram positif (staphylocoques, corynébactéries, Propionibacteriurn spp), plus résistantes à l’absence d’humidité que les bactéries à Gram négatif, et Malassezia furfur. Cette flore résidente joue un rôle essentiel dans l’équilibre physico-chimique de la peau et constitue une barrière efficace contre la colonisation par des microbes exogènes.

Dans les régions humides du corps, telles que les aisselles, les plis inguinaux, le périnée, la densité des staphylocoques peut atteindre 103 a 106 UFC/cm2 (unité formant colonie) et dans les régions sèches 10 à 103 UPC/cm2.

Dans certaines conditions pathologiques, des modifications sont observées qui peuvent conduire à un état infectieux local, ou général, dans les situations les plus graves.

Depuis très longtemps, l’application de substances antimicrobiennes sur le tissu cutané constitue un des fondements de l’antisepsie. Un agent antibactérien appliqué sur la peau peut produire trois types d’effets : (i) le nombre total de micro-organismes peut être réduit ; (ii) la proportion de bactéries résistantes sur la flore normale peut être augmentée avec ou sans modification notable de la densité de population ; (iii) des micro-organismes non retrouvés dans la flore cutanée peuvent coloniser le site traité.

Flore microbienne vaginale

Les relations entre la composition de la flore microbienne vaginale et les phases de la physiologie vaginale sont évidentes aussi bien qualitativement que quantitativement. Le rôle des lactobacilles est prédominant. Ils sont sélectionnés par l’acidité vaginale. Ils constituent des compétiteurs contre les autres espèces en colonisant l’épithélium vaginal mais aussi pour certaines espèces en produisant du peroxyde d’hydrogène inactivateur des anaérobies et des Gardnerella.Les genres les plus abondants et les plus fréquents sont Lactobacillus, Staphylococcus, Corynebacterium,Streptococcus, Peptostreptococcus, Gardnerella, Bacteroides et plus rarement Ureaplasma et Mycoplasma. Dans le vagin, les concentrations microbiennes sont très élevées de l’ordre de 1O4 à 1O7 UFC/ml de sécrétion.

Les variations de la composition de cette flore vaginale peuvent être:

Flore microbienne du nouveau-né

Le fœtus est stérile tant que les enveloppes sont intactes. Dès que la rupture des membranes se produit, la flore microbienne vaginale peut contaminer l’enfant. La peau de l’enfant né à terme par les voies naturelles perd ainsi rapidement sa stérilité.

La flore microbienne de l’enfant va se constituer dès la naissance mais sa composition varie selon les circonstances de l’accouchement et des premiers jours de la vie. De grandes différences quantitatives et qualitatives sont décrites en fonction du mode de naissance, par les voies naturelles ou par césarienne, à terme ou avant terme. Les soins portés à l’enfant après sa naissance conditionnent aussi en partie la constitution de la flore bactérienne qui varie selon qu’il est placé ou non dans un environnement protégé, qu’il est soumis à des soins fréquents plus ou moins aseptiques, a une nutrition per os ou parentérale, à une antisepsie ou une antibiothérapie. L’évolution de la flore microbienne est très rapide.

Le cordon et la peau avoisinante sont colonisés par des staphylocoques (S. epidermidis et S. aureus) dans 20 à 80% des cas selon la qualité des soins et l’utilisation d’antiseptiques. On isole aussi des entérobactéries, entérocoques, Pseudornonas aeruginosa,

Les autres territoires cutanés sont quantitativement peu colonisés à la naissance (de 30 à 50 UFC/cm2) avec surtout des bactéries aérobies ;

Progressivement la colonisation devient plus riche ; après 48 heures, on trouve de 5.102 à 1.104 UFC/cm2 sur le crâne, l’aisselle et l’aine et à l’âge de 6 semaines des valeurs de 1 à 3.1O5UFC/cm2 sur les mêmes territoires ; S. epidermidis est l’espèce la plus abondante.

Le nouveau-né prématuré est en général placé, pendant un temps plus ou moins long, dans un environnement protégé (incubateur, techniques de soins aseptiques). Malgré ces protections, on trouve déjà au 5ème et 6ème jour de la vie, une flore abondante sur la peau des nouveau-nés, avec selon l’origine des échantillons des dénombrements de l’ordre de 103 à 106 UFC/ ml ; les zones les plus riches étant l’ombilic, les plis cutanés, les fesses et la plante des pieds.

Chez ces enfants sont décrites des infections sévères d’origine iatrogène, liées à une colonisation puis une infection des cathéters ombilicaux et périphériques ; dans la plupart des cas, il s’agit de septicémies causées par des staphylocoques coagulase- négatifs. Par ailleurs, les prématurés possèdent peu d’anticorps et de complément et l’aptitude phagocytaire de leurs polynucléaires neutrophiles est réduite, notamment vis-à-vis des staphylocoques coagulas -négatifs. Les études bactériologiques montrent en effet une prédominance de ces staphylocoques qui représentent 81 % de la flore totale et sont retrouvés dans 79% des échantillons. Les espèces majoritaires sont S. epidermidis, S. horninis, S. warneri et S. haemolyticus. Les autres espèces sont moins fréquemment rencontrées, S. aureus, Corynebacterium spp, Propionibacteriurn spp, entérobactéries au niveau du cordon.

En conclusion, chez le nouveau-né prématuré vivant en environnement protégé, la flore microbienne est encore plus homogène que chez le nouveau-né à terme, mis au monde par les voies naturelles ; la prédominance des staphylocoques est considérable, souches résistantes aux antibiotiques, dont l’origine est probablement l’environnement hospitalier et le personnel. En raison de la gravité des infections opportunistes chez ces enfants, les techniques de l’antisepsie et de l’asepsie doivent être particulières rigoureuses. 

               

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