Docteur Christian PAUTHE - Jean-Marie OZANNE

L'ALIMENTATION CRUE EN 400 RECETTES

Une application pratique de "L'alimentation ou la troisième médecine "
Copyright F.X. de Guibert (O.E.I.L.), 1999, Paris. ISBN 2-86839-541-4

Première partie: Plaidoyer pour le cru


I. Pourquoi changer d'alimentation ?

Avertissement: Cet ouvrage étant volontairement consacré essentiellement à la mise en pratique de l'alimentation crue, ce chapitre explicatif et théorique a été reduit volontairement, de façon à ne pas risquer de lasser le lecteur. Certains auteurs (Dr Seignalet J., Comby B.) ont réalisé des ouvrages tres pertinents auxquels il est conseillé de se référer.

Neanmoins, il nous tient a cur de rapporter un certain nombre d'arguments qui pourront permettre au lecteur d'asseoir ses convictions, de les défendre, voire de les communiquer à son entourage immédiat.

Histoire: L'argument historique a déjà été abordé dans les lignes d'introduction. Il convient cependant de rappeler que la vie sur la terre a débuté il y a 3,5 milliards d'années. L'histoire de l'homme prend tournure depuis le Proconsul (20 millions d'années) jusqu'à 1'Australopithecus Afarensis ethiopien " Lucy " (3,5 millions d'années) et à l'Homo Habilis puis l'Homo Erectus. Notre bagage génétique correspond très précisement à celui de l'homme de Cro-Magnon encore appelé Homo Sapiens Sapiens ou homme actuel (100 000 ans environ) et dans tous les cas reste très proche (à plus de 99 %) de celui du chimpanzé.

Si l'on considère que le feu est maîtrisé depuis 450 000 ans environ (Delluc et collaborateurs) et que la cuisson des aliments s'est surtout développée au néolithique (8 000 a 10 000 ans avant J.-C.), plusieurs éléments viennent à l'esprit:

L'alimentation paléolithique : De nombreux auteurs, paléontologues ou nutritionnistes, s'intéressent à l'alimentation de l'homme préhistorique du paléolithique. Ce dernier était un chasseur-cueilleur depuis l'aube de l'humanité jusqu'à la révolution du néolithique. Son alimentation était assez variable selon l'habitat et les conditions climatiques. Néanmoins d'après Eaton S.B. et collaborateurs (1985, 1990, 1991, 1992), des appréciations moyennes ont pu être réalisées. Pour une alimentation composée à 35 % d'origine animale et 65 % d'origine végétale, ce qui correspond à un climat plutot tempéré, les auteurs rapportent l'équilibre suivant:

En cas de nourriture à dominante carnée (60 a 80 % animale) dans les périodes ou les régions plus froides, l'apport en glucide était faible et compensé par un apport lipidique plus important; le rapport acide gras polyinsaturés/acides gras saturés passe alors de 1,41 à 0,91 dans le pire des cas.

Commentaire: Sans le savoir, notre chasseur-cueilleur est plus proche que nous des valeurs recommandées par les experts en nutrition. Son alimentation est riche en glucides lents (favorables à un bon métabolisme énergétique), pauvre en lipides animaux, très riche en acides gras polyinsaturés (favorables sur le plan cardio-vasculaire), suffisante en cholestérol, tres riche en fibres alimentaires (favorisant un bon transit intestinal), suffisante en sodium, très riche en calcium et riche en vitamine C (favorable à une bonne activite anti radicaux libres, anti oxydante et antiscorbutique).

A l'opposé, notre alimentation est trop riche en sucres rapides (statistiquement correlés à l'obésite et au diabète sucré qui en découle), trop riche en acides gras d'origine animale (pourvoyeurs d'obésité, de surcharge vasculaire et d'un certain nombre de pathologies cancéreuses), suffisante en cholestérol, insuffisante en acides gras polyinsaturés (ce qui est défavorables sur le plan cardio-vasculaire), pauvre en fibres alimentaires (ce qui prédispose à la constipation et favorise le cancer colorectal), trop riche en sodium (pourvoyeur d'hypertension artérielle), insuffisante en calcium et insuffisamment riche en vitamine C (ce qui diminue les activités anti oxydantes, antiscorbutiques et anti radicaux libres, et accroît l'incidence de certains cancers).

Il est à noter que l'homme du paléolithique est parvenu à cette performance à une époque ou il consommait de la viande de gibier, des fruits et des baies sauvages, des végétaux divers (variables selon l'habitat), aucun lait animal (sinon le lait maternel) et des quantités variables de graines (céréales ou autres). Ces aliments ont été consommés pendant très longtemps sans artifice culinaire, tels que la nature les proposait.

La domestication du feu semble établie depuis 450 000 ans environ et certains auteurs (Delluc, Perles) estiment que la cuisson des aliments a pu exister pendant cette période selon plusieurs modalités: cuisson directe (broche rudimentaire ou sur les braises), ébullition (dans des outres en peau) ou à l'étouffée (dans un enrobage d'argile). Les certitudes dans ce domaine sont rares et il est difficile d'estimer la fréquence et le degré de cette cuisson. Etant donné les difficultés techniques rencontrées dans l'exercice de cet art culinaire débutant, il est vraisem-blable que la cuisson était assez imparfaite et n'interessait qu'une petite partie des aliments.

Les raisons qui auraient pu pousser nos ancêtres à cuire leurs aliments (D. Morris, 1970) ne sont pas tellement différentes des nôtres: réchauffer les aliments (surtout en période hivernale), modifier leur sapidité (par l'apparition de molécules de Maillard, comme nous le verrons plus loin) et assouplir la consistance des aliments les plus coriaces (par exemple certains tubercules ligneux ou la viande d'animaux sauvages).

A la cuisson se sont progressivement rajoutés les artifices de conservation, autre source de dénaturation alimentaire: réfrigération et même congélation pour les populations nordiques (certainement les meilleures modalites car induisant le moins de dénaturation), le séchage, la macération (ou conservation humide, parfois dans la saumure si le sel marin est disponible), le salage, le fumage, le saurissage (conjugaison du salage et du fumage notamment pour la chair de poisson), le faisandage; plus récemment, la conservation dans des contenants de tailles diverses, permeables ou non à l'air (depuis les poteries jusqu'aux silos), caracteristiques des civilisations agro-pastorales.

D'une façon générale, il est admis par la plupart des auteurs que les trois éléments qui nous sont familiers (consommation importante de laitages et de céréales, cuisson à cur) sont le fruit du passage à l'âge du néolithique, véritable révolution dans l'évolution de l'humanité, où l'homme, de nomade, devient sédentaire. Les besoins alimentaires de cette population fixée vont transformer notre chasseur-cueilleur en éleveur-agriculteur.

Les progrès techniques accumulés dès lors au fil des millénaires (invention de la meule de pierre, du four, des récipients en terre cuite puis métalliques), ont eu pour corollaire de banaliser et d'accélérer les tendances aux modifications alimentaires déjà existantes vers des dénaturations plus faciles, donc plus fréquentes mais aussi plus complètes.

Selon S.B. Eaton, le capital génétique de l'homme ne s'est pas modifié notablement depuis deux millions d'années, et il est peu différent des grands singes. Delluc et coll. (1995) estiment que nous sommes des grands chasseurs égarés au supermarché et soulignent que " la nutrition paléolithique qui a alimenté les humains durant 99.6 % de 1'évolution de leur lignée, n'est peut-être pas sans intérêt pour l'homme d'aujourd'hui et, plus encore, pour celui de demain ".

Qu'en est-il des conséquences de ces modifications alimentaires sur son état de santé ?

La Paléopathologie apporte quelques éléments de réflexion..

Il semblerait que sur les ossements étudies l'ostéoporose (décalcification de la femme âgée) soit absente, et que les caries dentaires soient exceptionnelles (surtout présentes à partir du néolithique, en corrélation avec la consommation de sucres de plus en plus raffinés).. A noter au passage que l'Étude des stries dentaires permet de connaître le type d'alimentation de l'individu étudié. Il est rapporté un pic de mortalité infantile vers l'age de 1 an, imputable au sevrage.

Les maladies des parties molles ne peuvent être connues qu'à travers leurs éventuelles conséquences osseuses. Un bon nombre d'entre elles échappent donc à la perspicacité des experts. On ne trouve pas de trace de pathologie cancéreuse, ce qui ne signifie pas que les chasseurs-cueilleurs en aient été exempts. Des cas de fractures guéries (avec cal osseux) ont été rapportés.

On notera au passage que les auteurs relatent régulièrement l'absence de trace de violences physiques sur les ossements tres anciens (à vrai dire souvent très incomplets); des pointes de flêches ou des blessures qui auraient pu entrainer la mort ne seraient retrouvées qu'à la période du néolithique. La sédentarité ayant induit la notion de propriété et de territoire, l'homme aurait amorcé à cette période son évolution de la préhistoire vers l'histoire.

La longévité du chasseur-cueilleur est mal connue, probablement très variable selon la qualité de l'approvisionnement et l'adaptation aux conditions climatiques du moment; une forte mortalité infantile et une espérance de vie maximale de l'ordre de 45 ou 50 ans sont souvent rapportées par l'ensemble des auteurs.

Les observations de populations pré-agricoles existantes de nos jours (par exemple les populations Aborigènes d'Australie, les Inuits du Grand Nord ou les Micronésiens de l'île de Nauru) et qui demeuraient fidèles à leur type d'alimentation primitive il y a encore quelques décennies, nous permettent d'extrapoler à la santé de notre chasseur-cueilleur.

Certains auteurs rapportent par exemple la grande résistance au froid et la quasi-absence de pathologies cardio-vasculaires des populations esquimaudes du Grand Nord. Leur durée moyenne de vie plus courte que la notre s'explique par des conditions de vie très dures et l'absence d'assistance médicale pour des problèmes de santé courants tels les accidents ou les surinfections banales.

L'adoption par ces populations de l'alimentation de type occidental donne un aperçu - comme en vision accélérée, des conséquences de cette évolution nutritionnelle. On assiste en effet (Kromhout D.) à une véritable épidémie d'obésité, de diabète non insulino-dépendant et de pathologies cardio-vasculaires jusque-là pratiquement inconnues.

Les enquêtes prospectives nationales et internationales, relatives à de grands nombres d'individus, permettent d'établir des corrélations entre de nombreuses pathologies (notamment cancéreuses) et l'alimentation des différentes populations mondiales (Joyeux H., Riboli E., De Thé G.). On sait que la descendance des populations migrantes présente, dès leur seconde génération hors de leurs frontières, une morbidité proche de celle des populations d'accueil. Par exemple les cancers du colon et de la prostate, rares au Japon, touchent la descendance des populations japonaises des USA avec autant de sévérité que les Américains; dans le même temps la prévalence des cancers de l'estomac et du foie, fréquents au Japon, diminue fortement chez les Japonais emigrés aux USA. De même pour le cancer du sein, rare au Japon mais fréquent dans la descendance des femmes japonaises vivant aux USA.

Des facteurs environnementaux et notamment alimentaires ont été de cette façon mis en évidence:

Un élément important mérite notre attention: les aliments incriminés dans la genèse des différentes pathologies considérées ont généralement subi une ou plusieurs dénaturations, soit de conservation (par exemple le fumage du poisson pour le cancer de l'estomac), soit de cuisson (par exemple les graisses animales cuites pour les pathologies cardio-vasculaires), soit plusieurs dénaturations successives.

L'exemple des Esquimaux, peu touchés par les problèmes vasculaires et pourtant grands amateurs de viande et de poissons (tous deux étant consommés crus), doit nous mettre en éveil quant à l'apparition de substances toxiques et/ou à la disparition de substances bénéfiques induites par les dénaturations alimentaires lorsqu'ils adoptent notre mode de nutrition. La présence d'un acide gras dénommé acide eicosapentaénoïque en grande quantité dans leur alimentation traditionnelle paraît être un élément protecteur important. Nous reviendrons un peu plus loin sur cet acide gras très bénéfique.

Les dénaturations subies par nos aliments sont nombreuses et variées. Il convient en effet de ne plus parler de cuisson simplement, mais de dénaturations au sens le plus large possible; chacun de nos aliments peut subir un ou plusieurs outrages avant d'être porte a notre bouche. Les dénaturations en question peuvent être de différentes natures:

D'une façon générale, plus une dénaturation est intense et durable, plus elle aura un effet délétère sur l'aliment considéré. Par exemple une exposition pendant un temps donné à une température de 80° sera moins toxique qu'une exposition à 150° pendant un laps de temps identique ; de même, un simple concassage sera moins nuisible qu'une réduction en farine très fine.

Les études analytiques de ces aliments suspectés permettent de mettre en accusation deux conséquences induites par les dénaturations alimentaires : la disparition de certains éléments nobles, donc l'appauvrissement des qualités nutritionnelles, et par ailleurs l'apparition de substances nouvelles indésirables, voire expérimentalement potentiellement très dangereuses.

La disparition de certains éléments nobles ou leur diminution, touche tous les composants de nos aliments : vitamines, protides, glucides, lipides et sels minéraux (Dupin, Riboli).

L'apparition de substances indésirables, voire très dangereuses, est l'un des corollaires de l'ensemble des dénaturations abordées précédemment. Leur présence est imputable à des réactions chimiques survenant à l'intérieur de chaque groupe de nutriment, mais aussi et surtout à des inter-réactions entre eux (notamment protéine/lipides et protéines/ glucides).

Un ensemble de substances dites xénobiotiques regroupe une grande quantité de molécules d'origine diverses, naturelles ou artificielles, qui peuvent venir contaminer les aliments à un certain moment de leur parcours jusqu'à notre bouche. Des résidus agricoles (herbicides, rodenticides, fongicides, insecticides, etc.) pourraient être minimisés par une mise en uvre de techniques de culture plus "biologiques ". Des résidus de produits vétérinaires (antibiotiques, hormones anabolisantes, etc.), mais aussi des pathologies infectieuses animales (épizooties telle la maladie de la vache folle ou bien la brucellose) peuvent venir contaminer les produits et sous-produits animaux (veiller a bénéficier d'un approvisionnement de qualité !). Des substances végétales tels des facteurs antivitaminiques ou inhibiteurs d'enzymes devront attirer notre attention; ces deux éléments seront abordés au chapitre des graines germées. Des contaminations parasitaires ou infectieuses (botulisme, salmonelles, staphylocoques, mycotoxines telles les aflatoxines touchant les céréales stockées en atmosphère chaude et humide, etc.) sont également possibles. La pollution industrielle a sa part de responsabilité avec ses rejets de fumées, de produits radioactifs, de polychlorobiphényles (ou PCB), de dérives de la dioxine (ou PCDD), et les emballages d'aliment de neutralité imparfaite (libération de gaz polychlorure de vinyle ou PVC, par certains emballages plastiques). L'utilisation des additifs alimentaires vient compléter ce tableau édifiant (colorants, antioxydants, agents de sapidité, édulcorants, épaississants, gélifiants, etc.); une attention particulière pour les conservateurs : les nitrates (utilises dans les charcute
ries), transformés en nitrites dans le tube digestif, se combinent avec les acides aminés alimentaires pour donner naissance aux nitrosamines puissants agents cancérigènes ; par ailleurs un autre procédé de conservation, le fumage, fait apparaître des benzopyrènes et des diméthylanthracènes dont l'effet cancérigene n'est plus à démontrer.

La contamination de nos aliments ou de notre environnement par les métaux (mercure, plomb, cadmium, arsenic) est toujours, voire plus que jamais d'actualité. Une attention particulière pour le mercure : celui-ci proviendrait en partie de notre alimentation, mais aussi de nos amalgames dentaires, responsables de certaines pathologies des muqueuses, et de certains organes (thyroïde, système nerveux central, rein) ; certains pays d'Europe du Nord ont mis en place une stratégie de dépose d'amalgames depuis quelques années.

Plusieurs éléments fondamentaux méritent d'être mis en évidence:

Les conclusions qui découlent de ces éléments pourraient être les suivantes:

Nous avons vu au fil des pages précédentes combien il est important de respecter notre organisme tant sur le plan alimentaire que sur le plan environnemental. Nous devons veiller à satisfaire ses attentes et à ne pas lui imposer la métabolisation de substances inconnues par nos cellules et leurs équipements enzymatiques, sous peine de faire apparaître une grande quantité de désordres.

Le lait de vache et les dérives de certaines céréales apportent également à notre organisme des molécules inconnues dont il ne peut s'accommoder parfaitement.

Les céréales, dont le blé est le principal représentant, sont très utilisées en alimentation humaine depuis le néolithique. La plupart d'entre elles sont des graminées (ou graminacées), à l'exception du sarrasin (encore appelé blé noir) qui appartient a la famille des poly-gonacées. Certaines de ces graines ont subi de très nombreuses variations génétiques, par sélections et croisements successifs au fil des siècles.

Le blé est la céréale la plus cultivée et la plus consommée dans le monde. Cette graine, issue de la région qui s'étend de la Mésopotamie à l'Egypte, s'est répandue partout dans le monde en l'espace de 10 000 ans. Sa conformation génétique s'est considérablement modifiée au cours d'adaptations successives à des lieux, des exigences et des climats très variés. L'ancêtre du blé, appelé encore petit épeautre (Triticum monococcum L.) possède 7 paires de chromosomes. Le blé dur actuel possède 14 paires de chromosomes (Triticum durum Desf.), et le blé tendre en possède 21 paires (Triticum aestivum L.).

Le maïs (Zea Maïs), est issu du Mexique il y a 7 000 ans environ; il a lui aussi conquis le monde entier en se conformant à des climats et des lieux très divers. Il en existe des hybrides extrèmement nombreux. La téosinte (selon Martienssen) serait le maïs sauvage originel. Ce dernier présentait des épis de quelques centimètres de long et des grains très petits ; les épis de maïs tels que nous les connaissons actuellement n'ont rien de commun avec cet aspect.

Le riz a une origine africaine (Oryza glaberrima Stend.) et asiatique (Oryza sativa L.). Il possède 12 paires de chromosomes.

D'autres céréales telles l'orge, l'avoine et le sarrasin sont d'une utilisation plus confidentielle dans l'alimentation humaine occidentale. Le millet et le sorgho sont consommés surtout sur le continent africain.

De nombreuses publications internationales font état de la responsabilité de la consommation du blé et/ou du maïs dans l'apparition de pathologies très diverses: polyarthrite rhumatoïde (Darlington L.G.), maladie cliaque, dermatite herpétiforme (Gjertsen H.A.), certaines migraines (Monro J.), schizophrénie (Dohan F.C.), maladie de Crohn (Riordan A.M.). Le riz ne semble pas être mis en cause dans l'éclosion de ces pathologies.

Nous verrons un peu plus loin que ces maladies sont induites par la présence de certaines substances (probablement des protéines) " anormales " dans ces graines transformées par des hybridations successives ; la dénaturation induite par la cuisson pourrait venir se rajouter à la dénaturation d'ordre génétique. On notera que, même cuites, les proteines du riz paraissent bien tolérées. Le béribéri, maladie historique induite par la consommation de riz poli (trop raffiné mais toujours d'actualité dans notre plage alimentaire) est une avitaminose B 1 (carence en vitamine B1) et non une pathologie de surcharge par une protéine impropre.

La consommation des laits animaux et de leurs dérivés pose à notre organisme ce même problème d'encombrement par des substances indésirables.

La femelle de chaque mammifère développe, après la gestation, une aptitude à la lactation caractéristique d'espèce. La durée de l'allaitement, la quantité et la composition du lait, sont adaptés à la croissance et au mode de vie de la progéniture qui le reçoit. L'homme ne fait pas exception à cette règle. Son appartenance à la classe des mammifères lui permet de pouvoir consommer du lait maternel jusqu'à une date de sevrage. Curieusement, il est le seul mammifère à consommer à tout âge un lait d'une autre espèce. Nous tenterons de mettre en évidence dans les pages qui suivent l'intensité et les conséquences de cette nuisance.

On sait que la composition du lait varie au fil de la période d'allaitement (par exemple le colostrum riche en anticorps initie la lactation Pendant les premiers jours simplement), mais aussi au fil de la journée et même au cours de chaque tétée (par exemple plus grande richesse en corps gras en fin de tétée). La lactation est un véritable dialogue, très fin, entre le corps d'une mère qui connaît par nature les besoins de sa progéniture et le corps d'un nourrisson qui attend tout de sa génitrice, exactement comme pendant la vie intra utérine. Pendant cette période de transition et d'adaptation à la vie aérienne, l'allaitement maternel remplace momentanément la "perfusion" placentaire. Le sein maternel prend le relais du cordon ombilical et, comme lui, il amène simultanément des nutriments mais aussi des informations immunitaires spécifiques à la fois de l'espèce et à ses conditions de vie. L'interface individu/environnement que représente le tube digestif, est préparé en quelques mois à une autonomie alimentaire qui ira en augmentant au fil de la croissance.

Vouloir délibérément intervenir dans cette relation privilegiée et naturellement programmée, c'est tenter de jouer du piano avec des gants de boxe. C'est exactement ce que nous faisons avec l'allaitement artificiel. Au temps et au lieu ou l'enfant devrait recevoir une immunité et des nutriments spécifiques de son espèce, nous lui faisons parvenir une alimentation et des informations immunitaires bovines. Ne perdons pas de vue que le veau est un ruminant dont il va falloir préparer le tube digestif à la digestion de la cellulose; il est capable de marcher dès les premières heures de son existence et sa vitesse de croissance n'a rien à voir avec celle du petit enfant. On peut imaginer sans craindre de se tromper que leurs besoins ne seront pas superposables.

Les différences tant quantitatives que qualitatives (Herbinet E.) permettent de comprendre à quel point lait humain et lait bovin sont des aliments distincts qui s'adressent à des organismes bien spécifiques:

Le lait maternel demeure la meilleure alimentation du nourrisson ; il le prépare à un environnement bactérien spécifique à notre espèce et favorise une croissance optimale, notamment celle du cerveau.

Qu'en est-il des laits artificiels ? Les éléments que nous venons de rapporter attestent de la non-conformité du lait de vache pour notre nouveau-né. Les industriels se sont attachés à mettre au point des laits dits " maternisés ". Ils ont diminué la quantité de protéines, augmente les acides gras indispensables, rajouté certains acides amines, varié le goût et la consistance, enrichi en certaines vitamines, adapté les sels minéraux.

Depuis quelques années, sont apparus des laits dits hypoallergéniques, dont les protéines bovines, soumises à l'action de certaines enzymes (protéases), sont en quelque sorte prédigérées, réduites en acides aminés ou pour le moins en peptides (petites protéines), pour en diminuer (ou supprimer) l'effet allergisant. Cet effort est considérable et constitue une amélioration que l'on ne peut nier. Cependant, le résultat n'est pas encore parfait ; persistent encore des oligopeptides qui sont susceptibles de faire apparaître des allergies.

Dans tous les cas, quand bien même nos industriels parviendraient à mettre au point un lait " maternisé " totalement dépourvu de caractère allergisant, nous serions en présence d'un aliment dans le meilleur des cas " neutre ", c'est-à-dire dépourvu des caractères nocifs du lait de vache. Mais nous n'aurions pas pour autant les avantages du lait maternel.

En faisant le choix de mettre la mauvaise clef dans la mauvaise serrure, nous prenons le risque de casser ou la clef ou la serrure. En effet, c'est parfois la clef qui est mise à mal: l'enfant vomi ou développe des réactions de rejet tellement violentes qu'il est deéclaré " allergique au lait " et a la chance - pendant un certain temps du moins - de se voir exempté de corvée de laitages. Mais le plus souvent, c'est la serrure qui est mise à mal, et le nourrisson paie un lourd tribut à cette malfaisance alimentaire.

Un nombre tout a fait éloquent de publications médicales fait état des conséquences parfois désastreuses de la consommation pédiatrique de lait de vache. Les problèmes infectieux à repetition (otites, angines, rhino-pharyngites, bronchites, etc.) voient leur fréquence et leur gravité diminuer très fortement lorsque les parents acceptent de cesser l'intoxication lactée (Herbinet 1987, p. 244); ceci est devenu - du moins je l'espère - un lieu commun. Certaines publications font également état de corrélations préoccupantes : la consommation de lait de vache a pu être statistiquement correlée avec le développement de diabètes juvéniles insulino-dépendants (Karlajainen), de coliques infantiles, d'insomnies et d'hyperactivité (Jakobsson M.D.), et même de certains lymphomes du jeune enfant (Davies M.K.).

Chez l'adulte, la consommation de lait de vache a pu être incriminée dans des pathologies aussi différentes que la polyarthrite rhumatoïde (Seignalet J.), la sclérose en plaque (Swank R.L.), la maladie de Crohn (Riordan A.M.), certains cas de migraines (Monro J.). Personnellement j'ai pu constater sa responsabilité dans les sinusites chroniques et les autres affections récidivantes de la sphère ORL, certains cas d'asthme, et, avec le Dr Seignalet, dans bon nombre de pathologies auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux aigu disséminé).

Par quels mécanismes une alimentation inadaptée pourra-t-elle nuire à notre santé?

Nous avons mis en évidence dans les pages précédentes qu'au fil des dénaturations alimentaires, certaines substances utiles disparaissaient ou pour le moins devenaient plus rares (vitamines, sels minéraux, acides aminés essentiels, acides gras indispensables) et que d'autres substances très nombreuses pouvaient venir encombrer notre organisme (molécules de Maillard, sous-produits cancérogènes, xénobiotiques, molécules " naturelles " mais inconnues de notre système immunitaire - protéines lactées bovines et des céréales génétiquement modifiées). Il nous reste à essayer de comprendre comment l'ensemble de ces éléments peuvent se conjuguer pour faire apparaître différentes pathologies.

La responsabilité des carences nutritionnelles sera d'abord envisagée :

L'apport alimentaire a un double rôle:

Les carences majeures et "historiques" intéressant la première catégorie (éléments de structure) affectent principalement les populations défavorisées (le marasme est une carence en apport énergetique global et le kwashiorkor une carence protéique dominante). Dans nos pays occidentaux dits " civilisés ", nous échappons à ces pathologies dramatiques, sauf dans des cas de maltraitance isolés ou en période de conflit armé. La prudence est de mise cependant, car nous avons vu que nous passions le plus clair de notre temps culinaire à dégrader les acides aminés essentiels, à dénaturer les sucres et à appauvrir la concentration en acides gras indispensables. Des expériences animales sur des chats (Dr Pottenger) ont permis de mettre en évidence qu'une alimentation essentiellement cuite pouvait avoir en quelques générations successives des effets redoutables avec l'apparition de dysmorphies (malformations) et de stérilité.

La notion de sub-carences : Une vision qui resterait " historique " et caricaturale du problème des carences serait vraisemblablement un peu simpliste; différents collèges d'experts (Dupin, page 675) mettent en évidence de nombreuses sub-carences, intéressant notamment les apports vitaminiques et minéraux (malheureusement les seuls éléments facilement dosables). Ils ne relatent pas de béribéri (carence profonde en vitamine Bl), de xérophtalmie (carence en vitamine A), de scorbut (carence en vitamine C), de rachitisme (carence en vitamine D), mais ils mettent en garde vis-à-vis de la face cachée de l'iceberg. Nous devons veiller sur leurs conseils (Lemoine et coll. 1986) aux sub-carences présentes dans notre pays en acide folique, en thiamine (vitamine Bl), en riboflavine (vitamine B2), en pyridoxine (vitamine B6), en vitamine C, en vitamine D et en vitamine E.

Un certain nombre de ces sub-carences sont avancées et encore étudiées dans les causes possibles de certains cancers. Selon Elio Riboli et coll. (Alimentation et Cancer), les caroténoïdes (provitamines A d'origine végétale) pourraient avoir un rôle protecteur dans le cancer du poumon ; la vitamine D pourrait jouer un rôle protecteur sur le risque de cancer du colon, de la prostate et du sein ; Sélenium et vitamine E pourraient avoir un rôle protecteur sur le risque de cancer du poumon et du tube digestif (ces deux éléments auraient une action conjointe et superposable) ; les folates (dont l'acide folique, qui est encore appelé vitamine B9) auraient un rôle utile sur la prévention des dysplasies du col utérin et des cancers du colon débutants ; la vitamine C, la plus étudiée, aurait un rôle préventif sur les cancers de l'estomac, de l'sophage, du larynx, du poumon, du col de l'utérus, du sein, du colon et du rectum.

Notre statut mineral n'est pas toujours excellent : Un élement facile à quantifier, le fer, a bénéficié d'etudes épidemiologiques. Une étude parisienne (Dupin, page 683), relate que près de 29 % des enfants âgés de 10 mois présente une carence en fer, dont 8 % ont une anémie ferriprive. On passe à 14 % des enfants de 2 a 6 ans et a 10 % des femmes en période d'activité genitale. Les auteurs soulignent que l'équation: carence en fer = anémie ferriprive, est une vision réductrice du problème. L'anémie apparaît en fin de parcours, après qu'une multitude d'autres métabolismes enzymatiques (plusieurs dizaines) ont été perturbés, voire bloques. Le même type de question pourrait être posé, à la fois statistique et analytique pour le zinc, le sélenium, le manganèse, le magnésium, le cuivre, etc. Leur dosage est moins facile que pour le fer ; etant donné leur importance métabolique, il conviendra de veiller à leur sub-carence éventuelle.

La responsabilité des sub-carences est difficile à mettre en évidence. Cette diffculté à corréler l'effet de telle ou telle sub-carence (vitaminique ou en sels minéraux) avec telle ou telle pathologie est bien soulignée par les différents auteurs ; en effet les carences sont parfois multiples ou associées à des éléments nutritionnels aggravants ou compensateurs. Ceci explique les résultats parfois discordants voire contradictoires des différentes enquêtes. L'éthique medicale interdit de carencer volontairement l'alimentation d'un groupe humain a des fins expérimentales. L'experimentati

 

--------->> RETOUR